L'angoisse de la feuille blanche
Contient : idée (17)(...) Je me souviens avoir un jour entendu Michel Gaudo répondre à un joueur qui lui avait demandé comment écrire un scénario : « d'abord, il faut avoir envie de faire quelque chose, il faut uneidée; ensuite, c'est du travail, du travail et du travail... » Cette réplique n'avait rien de provocatrice ; elle définissait pleinement toute la problématique de l'écriture d'un scénario. (...)
Il est toujours aux aguets, car l'inspiration vient souvent quand on s'y attend le moins. Ceci dit, si uneidéevient rarement quand on l'appelle, rien n'interdit, bien au contraire, de partir à sa rencontre. (...)
Notez tout dans un coin de votre tête : une histoire qui vous a passionné, un événement historique intéressant, un paysage pittoresque, une ambiance, un visage, un personnage atypique, une scène de rue, etc. On raconte que c'est en voyant des femmes se crêper le chignon au lavoir que Zola eut l'idéed'écrire L'Assommoir. Soyez donc toujours prêt à saisir vos idées. Certains les notent. Moi, qui suis un fainéant, je les garde dans un coin de ma tête, persuadé que si je les oublie, c'est qu'elles ne devaient pas être si bonnes que cela. (...)
Ceci dit, ce n'est sans doute pas le meilleur conseil que l'on puisse donner... Ne faites donc pas comme moi : ayez toujours sur vous un petit carnet pour y noter vos idées en vrac, du paragraphe complet à la simple ligne en style télégraphique, vos références bibliographiques, voire vos moyens mnémotechniques personnels, genre « le bistroquet du café du vieux port de Saint-Cyprien-sur-Vermouze », pour vous souvenir d'un lieu, d'une ambiance, d'un personnage ou d'une scène atypique. Apprenez aussi à hiérarchiser vos idées. Uneidéepeut-être la base de l'intrigue de votre scénario ; une autre ne constituera qu'un décor, une ambiance, un personnage, une note humoristique. (...)
Créez dans un coin de votre tête un grenier dans lequel vous entasserez tout ce qui pourra éventuellement vous être utile un jour : contes, légendes, lieux, événements, ambiances, personnages, etc. Quand uneidéeen particulier vous donnera envie de vous lancer dans l'écriture d'un scénario, vous n'aurez qu'à monter dans ce grenier, prendre tout ce dont vous pourriez avoir besoin et aller les poser sur votre bureau. (...)
Bien évidemment, n'omettez pas, une fois votre oeuvre achevée, de monter ranger celles qui vous seront restées sur les bras : ce n'est pas parce qu'une de vos idées n'a pas eu sa place dans un scénario qu'elle est forcément mauvaise. Mais quand l'Idée- celle qui vous lancera dans l'écriture de votre scénario - viendra, comment la reconnaître ? Rassurez-vous et dites-vous que si l'idéen'est pas bonne, vous n'aurez pas vraiment envie d'aller bien loin dans l'élaboration de votre scénario. Il est d'ailleurs vivement déconseillé de s'atteler à la tâche dès qu'uneidéepointe son nez. Laissez-la macérer quelques jours voire quelques mois. Si vous avez encore envie de l'exploiter, alors c'est peut-être - et peut-être seulement - qu'elle est intéressante. Car en fait, par nature, uneidéene peut être mauvaise. Sa qualité dépend essentiellement du traitement que vous aller lui infliger. Séance de torture : Uneidéeà l'état brute, même si cela peut paraître beaucoup lorsqu'on a connu la solitude face à une feuille blanche, n'est pourtant pas grand-chose tant qu'elle n'a pas été critiquée, interrogée, travaillée et même torturée. (...)
Car c'est sur ces fondations que vous allez construire l'équilibre de tout l'édifice qu'est votre scénario. Une fois que vous tenez votreidéeprincipale, celle qui vous donnera envie de vous lancer, commencez par la soumettre à deux questions fondamentales : « De quoi s'agit-il ? (...)
Le plus souvent la documentation qui vous sera nécessaire est très facile d'accès. Il est possible que l'idéede départ n'induise pas de situer l'action dans un cadre espace-temps très précis. Votre documentation pourra vous permettre de préciser ce cadre et de faire des choix. (...)
Le but est de leur faire vivre une histoire extraordinaire qui leur laissera d'impérissables souvenirs, et non de les noyer sous d'inextricables énigmes. A l'issue de cette étape, vous devriez avoir uneidéeplus précise des acteurs principaux de votre scénario, des lieux où il se déroulera. Faire un plan très schématique des lieux vous sera par la suite très utile. (...)
Rien n'est plus désagréable que d'être obligé d'improviser au beau milieu d'une partie parce que tel ou tel joueurs aura eu uneidéequ'on n'avait pas prévue. Quatrième règle : Pensez à vos pistes. Placez dans chaque scène - c'est-à-dire dans chaque lieu, dans chaque discussion avec des PNJ, dans chaque événement auquel ils assisteront - au moins un élément qui les mènera à la scène suivante, tout en tenant compte du rythme. (...)
Sachez toutefois être suffisamment discret : les joueurs ne supportent pas de se sentir manipulés ; quand ils décident d'aller d'un endroit à un autre, il faut impérativement qu'ils soient persuadés que c'est eux qui en ont eu l'idée- alors qu'en fait, c'est bien le scénariste, puisque c'est lui qui fournit les indices que suivront les joueurs ! (...)
- à des moments opportuns et soigneusement choisis par vous, histoire de détendre vos joueurs un court instant et éviter des vesses euphoriques intempestives. L'amour : Hitchcock racontait que pour être sûr de ne laisser échapper aucuneidée, il avait placé sur sa table de chevet un carnet et un crayon pour y noter celles qui pourraient lui venir nuitamment ; le lendemain il s'aperçut qu'il avait écrit sur son carnet : « homme aime femme ». (...)
-, se pointe le facteur vous apportant une missive par laquelle vous apprenez qu'un oncle inconnu, américain et immensément riche, vient d'avoir la sageidéede décéder en vous léguant toute sa fortune. Cette nouvelle devrait vous combler, bien plus que si la même nouvelle vous était arrivée alors que vous vous apprêtiez à remplir votre déclaration d'impôts sur les grandes fortunes - si tel est réellement le cas, n'oubliez pas que l'équipe de malefices. (...)Quel meneur de jeu n'a un jour tenté d'écrire ses propres scénarios ? Quel meneur de jeu n'a alors jamais connu une irrépressible angoisse face à la feuille blanche ? Ou pire, quel meneur n'a jamais ressenti, après des jours voire des semaines d'un labeur exténuant, le sentiment que ce qu'il proposait à ses joueurs était loin de tenir la route ? C'est un lieu commun, mais il faut pourtant le répéter : Maléfices est un jeu de rôle qui a ses exigences. Si vous voulez rester fidèle à l'esprit du ...