Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : travail (67)(...) Les champs, ai-je dit, ne se moissonnent qu'une fois l'année ; dans les ateliers, au contraire, chaque jour detravailest un jour de récolte. A la chiche lumière que fournit le ciel succède la clarté que nous tirons de l'huile, de la houille, de la résine. (...)
La nuit n'existe plus, le repos est inconnu, au moins pour les machines qui, dans les besoins pressants, voient leurs conducteurs et leurs surveillants se relever les uns les autres, sans qu'elles arrêtent un instant leur marche. [...] A côté de ce tableau des résultats avantageux que produit letravailindustriel, je dois placer, pour être vrai, celui des inconvénients qu'il présente. Si, en effet, il mène rapidement à la fortune ceux qui s'y livrent avec zèle et intelligence, il est fréquemment inquiété dans sa marche et il se passe rarement une longue suite d'année sans qu'une crise vienne bouleverser un grand nombre d'existences. (...)
En effet, supposons toujours que je possède un sac de blé : si j'ai besoin de bottes et que le cordonnier n'ait pas besoin de blé, nous ne pourrons pas traiter ensemble ; mais si je puis échanger mon sac de blé contre de l'argent, le cordonnier me vendra ses bottes car, à son tour, il pourra, avec la monnaie que je lui aurait donnée, se procurer tout ce dont il aura besoin. Comment se procure-t-on des valeurs en échange ? Par letravail; letravailnécessité sociale quoi qu'on en fasse. Pour travailler, il faut des avances, c'est-à-dire des matières premières, des instruments, de la nourriture. Ce sont ces avances qui constituent le capital. (...)
La première dit aux autres : « Je n'ai pas besoin de travailler mais je vous fais des avances et vous me donnerez une partie des profits de votretravail. » Ne se peut-il point qu'en pareil cas le capital abuse de son avantage et qu'il n'exploite letravailen se faisant la part du lion ? Toutes les guerres civiles n'ont pas d'autre origine et leur théorie se réduit à cette simplicité matérielle et patriarcale. (...)
« Nous avons vu déjà que les principaux éléments de la production industrielle étaient les CAPITAUX et leTRAVAIL. Le capital est cette portion de richesse publique qui sert à l'entretien des travailleurs et au développement de la production : il dérive des profits accumulés par l'épargne, c'est l'excédant de la production sur la consommation. (...)
Si au contraire, l'ouvrier qui reçoit un salaire de trois valeurs exiléennes par jour n'en dépense que deux, cette épargne de une valeur par jour se multipliera ; elle produira bientôt des intérêts et l'ouvrier deviendra capitaliste, c'est-à-dire qu'il pourra à son tour avancer aux simples journaliers des instruments et des outils pour travailler, des aliments ou un salaire qui les représente pendant toute la durée de leurtravailet des matières brutes à transformer. Si l'état se compose de beaucoup d'individus semblables à cet ouvrier économe, sa prospérité s'accroîtra ; dans le cas contraire elle diminuera chaque jour. (...)
Le rôle que le capital ou le crédit qui le représente joue dans la production est si important que rien ne pourrait se faire sans lui ; c'est ainsi par exemple, que l'on remarque souvent, dans nos pays, un grand nombre de bras inoccupés, en même temps que des travaux considérables et fort utiles restent inexécutés. Dès que les capitaux existent et sont disposés à entreprendre untravailquelconque, on voit aussitôt les ouvriers s'offrir de tous côtés. Lorsque la proportion des capitaux inactifs est plus grande que celle des ouvriers oisifs, les salaires augmentent, parce qu'il y a demande detravail; si, au contraire, ce sont les travailleurs qui s'offrent plus qu'ils ne sont demandés, ce sont les salaires qui sont réduits. Plus les capitaux sont abondants et plus l'industrie se perfectionne, plus les travaux se divisent en un plus grand nombre de mains. (...)
[...] Si les capitaux, ou plutôt ceux qui les possèdent, avaient toujours assez d'esprit pour aller féconder les industries qui végètent faute de cet aliment indispensable à toutes les entreprises, le pays n'aurait plus bientôt de malheureux en son sein et chacun jouirait du bien-être et de l'aisance que lui aurait procurés sontravail. Malheureusement, il n'en est pas ainsi et souvent les capitaux nécessaires sur un point ont été compromis sur un autre dans des affaires mal conçues ; ils sont devenus la proie que se sont partagés quelques intrigants. (...)
Car tant de maux ont pu être effacés, tant de jouissances n'ont pu être mises à la portée d'un plus grand nombre d'hommes, que par une direction plus intelligente dutravailqui a procuré des profits sur lesquels on a fait des économies qui, accumulées et associées, ont formé des capitaux considérables. (...)
Dans le pays dont nous venons de parler, la débauche n'est pas devenue, comme ailleurs, une sorte de mal-nécessaire ; le séducteur n'abandonne pas la femme qui a manqué pour lui à ses devoir ; il se marie parce qu'il sait pouvoir subvenir par sontravailaux besoins de la famille qu'il se crée, à l'éthalerion des enfants qu'il peut avoir. » De l'impôt. (...)
Il se trouve des économistes qui ont soutenu en thèse absolue que l'impôt était une excellente chose et que l'on ne pouvait donner de meilleur stimulant autravail. Un écrivain sostrien a même comparé l'impôt à un enfant nouveau-né dont l'existence obligeait le père de famille à redoubler d'industrie pour subvenir aux frais de son éthalerion. (...)
Tout en admettant les faits que nous cite l'économiste sostrien, j'arriverai à une opinion entièrement opposée à la sienne : je dirai que si la Sostrie a pu faire d'aussi grands progrès dans l'industrie et l'agriculture, c'est malgré les impôts et non pas à cause d'eux. J'ajouterai même que s'ils ont pu et s'ils peuvent encore payer de si lourds impôts, c'est que letravailétait développé chez eux sur de larges bases et qu'il procurait de grands bénéfices. S'il n'en eût pas été ainsi et si, par exemple, l'impôt ne se bornant pas à prélever une part du revenu eût touché au capital, celui-ci en diminuant eût amené la chute d'un grand nombre d'entreprises, les salaires eussent été réduits et une certaine quantité de travailleurs eût été mise en disponibilité. (...)
Il faut distinguer l'intérêt des profits. Ceux-ci sont toujours honorables, parce qu'ils sont la rémunération d'untravailprésent qui se renouvelle chaque jour ; l'intérêt est honorable aussi, mais il l'est moins cependant, parce qu'il n'est que le prix accordé pour obtenir la faculté de se servir de capitaux, qui sont le produit d'untravailantérieur et déjà récompensé. De là la différence qui existe entre les travailleurs et les capitalistes, entre le taux d'intérêt et le chiffre des profits. (...)
% et même plus. Hors ces cas spéciaux, dont on peu trouver quelques exemples là où la mauvaise organisation dutravailaugmente les chances de perte, le taux d'intérêt est modéré et il tend continuellement à diminuer par suite de l'abondance des capitaux. » De la division dutravail. « [...] La question de la division dutravail, bien que fort simple en apparence, n'en est pas moins une des plus difficiles que l'économie politique de nos jours ait à résoudre. En effet, comme son application est une des principales causes du développement industriel de notre époque, c'est à elle que se rapporte le plus grand nombre des complications auxquelles la prospérité des manufactures a donné naissance. [...] La division dutravailn'est autre chose que la précaution prise de distribuer la besogne à chacun selon son aptitude. (...)
Zelphaze de Beuvin a cherché pourquoi cette division s'était établie dans la société et, en fouillant dans le passé et dans les événements de son temps, il a découvert, c'est le mot, ce que personne n'avait vu avant lui et il a proclamé quels immenses avantages on retirerait du principe de la division dutravailconvenablement développé. Ce n'est pas à dire pour cela que la division dutravailsoit une innovation moderne ; bien loin de là : elle existait avant que de Beuvin nous en eût fait apprécié l'importance et déduit toutes les conséquences. [...] Chacun comprend facilement que si tout le monde voulait tout faire, tout le monde serait mal servi. (...)
Ce qui a lieu pour la société entière, c'est-à-dire pour la généralité des professions, doit se passer aussi pour chacune d'elles. Nous avons vu que, par seule division dutravail, chaque ouvrier en exécutant une partie spéciale, les produits sont plus abondants et mieux conditionnés. (...)
En effet, je vous ai dit que tous les ouvriers, l'un dans l'autre, faisaient 48,000 épingles, au lieu de quelques centaines qu'ils pourraient à peine faire, s'ils étaient obligés de se livrer simultanément à toutes les opérations. [...] L'invention des machines est un effet de la division dutravail; elles l'ont perfectionnée après lui avoir donné naissance. Comparez le filage à quenouille au filage à la mécanique. (...)
[...] Les méditations de Zelphaze de Beuvin nous permettent d'établir les classifications suivantes dans la division dutravail: Division dutravailentre les diverses opérations d'une même industrie — Division dutravaildans la société pour les différentes industries — Division dutravailpour la spécialité des nations — Division dutravailentre les circonscriptions d'une même nation. Ainsi la grande famille humaine nous apparaît-elle comme une immense ruche où chaque nation, chaque province, chaque bourgade, chaque famille, chaque individu a sa place et sa tâche spéciales, selon sa nature ou sa capacité. Mais je ne vous ai parlé jusqu'ici que des avantages de la division dutravail. On a aussi trouvé à ce grand principe de nombreux inconvénients. Voyons jusqu'où peut aller leur influence. On a dit que l'exercice continuel d'une seule et même opération dans la même industrie avait pour résultat immédiat et infaillible d'abrutir l'homme qui s'y livrait. (...)
Mais le mal porte avec lui sa guérison et la civilisation le fera disparaître un jour par la division dutravail, elle-même mieux entendue et mieux appliquée. Le mouvement n'est pas permanent et si aujourd'hui la division dutravail, encore incomplète, force l'homme à faire untravailstupide et le réduit aux fonctions de machine, elle lui fera trouver plus tard un salaire honorable avec un repos convenable, tout en le dispensant d'une foule de travaux écrasants qui le rendent aujourd'hui roue, volant ou bête de somme. Vous connaissez tous quel horrible métier c'est que de tirer des épreuves ; il faut être constamment pendu à la mécanique. Eh ! bien, si vous avez un balancier qui fasse cette besogne, l'homme n'est plus abîmé par letravail. Cependant, Messieurs, pour le dire en passant, les premiers ouvriers qui ont dû se servir de cette machine se sont révolté contre la nouvelle puissance qui venait relever la dignité humaine. (...)
L'ouvrier qui sait confectionner toutes les parties d'un produit, paraîtra, au premier abord, un être plus complet et l'on a cru que celui qui ne savait, par exemple, faire que des têtes d'épingle, éprouverait plus de peine à se replacer, s'il venait une fois à quitter l'emploi où il a appris sa spécialité ; mais il n'en n'est rien, car on a remarqué que ceux qui manquent le plus souvent detravailsont précisément ceux qui savent faire un peu de tout ce qui concerne la fabrication des produits à la confection desquels ils concourent. (...)
Mais pénétrez dans quelques ateliers, ceux de tréfilerie par exemple, où avant l'application des mécaniques, les ouvriers faisaient eux-mêmes fonction de machines, vous les verrez, le journal à la main, assister en surveillants autravailqui se fait sous leurs yeux et leur direction, et qui n'exige d'eux que quelques coups de mains de temps en temps. (...)
Je n'en citerai pour preuve que les ouvriers d'Exil exerçant des centaines d'industries différentes et produisant des milliers de millions de produits avec des machines simples. Cette brillante industrie exiléenne est le résultat de la division dutravail. Et pourtant elle n'a pas d'égale sur Forge, parce qu'il y a là-bas une atmosphère d'intelligence, d'enthousiasme et d'émulation que les ouvriers n'ont point ailleurs et qui abandonnerait les Exiléens s'ils voulaient travailler isolés ou s'ils s'en allaient sur le continent. Ici, il faut le reconnaître, la division dutravailn'est point encore aussi bien organisée comme à Exil, où l'on peut voir les manoeuvres industrielles s'exécuter dans un ordre tout-à-fait militaire, comme cela se passe sur un navire. (...)
— Vous avez aboli, a-t-il dit, les jurandes et les maîtrises et vous voilà dans le désarroi de la concurrence universelle ; vous avez poussé jusqu'à ses dernières limites la division dutravailet l'introduction des machines et maintenant vous avez la richesse accumulée sur un point et la misère sur dix autres. (...)
Selon lui, il faudrait faire deux parts du produit ; une destinée à couvrir les avances faites pour payer letravailet l'achat des matières premières, et l'autre, qui est le profit et la seule avec laquelle on puisse accroître les dépenses d'une nouvelle production. (...)
Les idées économiques générales de Carousse s'inspirent pour l'essentiel de Zelphaze de Beuvin : la vraie richesse est le produit dutravailcar seul letravailpeut accroître les ressources disponibles. Mais Carousse distingue les effets que letravailmanufacturier et letravailagricole ont sur le bonheur du peuple. Il critique de Beuvin qui identifie trop vite richesse des nations et bonheur des populations. L'abondance detravaildans les manufactures ne permet pas d'augmenter le bien-être de tous si, dans le même temps, la quantité de nourriture que produit la nation n'a pas, elle-aussi, augmenté. Carousse s'attache ainsi à démontrer que sortir les pauvres de leur misère n'est pas une question de répartition de l'argent au sein d'un pays mais d'accroissement dutravailde la terre. Or, cet accroissement a une limite, donnée par la superficie des terres cultivables. Le risque de disette est donc réel. (...)
Mais, soutient Carousse, cela revient à ‘diviser la nourriture que peut fournir le pays en portions moindres, en sorte que letravaild'un jour n'en peut plus acheter autant qu'auparavant' ; les allocations distribuées finissent donc par exercer une pression à la hausse sur les produits de première nécessité et les classes moyennes, qui ne disposent que de leur seul revenu pour assurer leur subsistance, connaissent à leur tour la gêne. (...)
L'homme n'a pas le ‘droit' d'être nourri, il en a la ‘puissance' qu'il doit exercer par son activité, par sontravail. D'ailleurs, sur le plan moral, letravailpousse l'homme à vaincre sa ‘paresse naturelle' alors que l'inconséquence des partisans des droits de l'homme entraîne le peuple sur la fausse route de la facilité. Les démagogues ne se privent pas d'en exploiter toutes les conséquences en suscitant des révolutions qui, à leur tour, causent une misère et un malheur plus grands encore que ceux desquels on espérait sortir. (...)
Les deux buts politiques que propose Carousse — une population suffisante dans une société d'où la pauvreté et la dépendance auront disparu — sont pour lui liés. Il faut faire comprendre aux pauvres que ‘le seul moyen de hausser réellement le prix dutravailest de diminuer le nombre des ouvriers' donc les contraindre à ne pas avoir trop d'enfants. C'est la seule solution acceptable humainement, sinon, tout gouvernement conséquent ne pourrait faire baisser la population qu'en encourageant la famine et la maladie. (...)
Car si le développement de l'industrie a occasionné quelques maux, que de biens n'en est-il pas résulté ? Sans les machines, sans la division dutravail, les ouvriers d'aujourd'hui auraient-ils le linge que n'avaient pas nos pères ! Il y a cent ans, sur deux mille personnes, il n'y en n'avaient pas deux qui avaient des bas. (...)
[...] Et vous voyez bien que si le mouvement industriel qui nous emporte a quelques inconvénients, il a aussi ses avantages. Le perfectionnement des voies de communication n'est qu'une conséquence de la division dutravailqu'il doit y avoir entre les nations. Or que de changements heureux n'amèneront pas les nouvelles voies que l'on projette. (...)
[...] Ce argument le reporte tout naturellement à réclamer ces mêmes lois qui, en mettant des bornes à la division dutravailet au développement de l'industrie, prohibaient l'intelligence et forçaient un pauvre diable à faire un apprentissage indéfini, pour arriver à l'état de maître à l'âge de trente-cinq ans. (...)
Telle est la solution de la question des encombrements et des crises périodiques. » Des machines. Vous avez vu comment l'accroissement des capitaux et la division dutravailavaient conduit à l'invention des machines. Nous devons examiner maintenant quelles ont été les conséquences de l'emploi de ces nouveaux instruments de production sur l'industrie et le bien-être des travailleurs. (...)
Comme tout ce qui est conçu par l'esprit des hommes, les machines ont eu des avantages et des inconvénients. En même temps qu'elle enlevaient letravailà quelques individus, elle l'offraient à d'autres ; elles créaient des produits et en même temps des consommateurs : en un mot, elles déplaçaient des existences mais elles n'en détruisaient aucune. (...)
[...] Il est inutile de demander qu'elle a été la cause des perturbations qui ont déplacé quelques existences et anéanti quelques fortunes ; nous devons simplement nous borner à rechercher si l'on a fait tout ce qui était possible pour se défendre contre ces inconvénients, contre cette perte detravail, momentanée il est vrai, mais qui n'en a pas moins été douloureuse pour les journaliers qui ont eu à la supporter. Cette question tient de trop près à celle de la division dutravail, dont elle est une conséquence, pour que nous ne trouvions pas sur le terrain où elle nous place, les mêmes adversaires que ceux que nous y avons trouvé l'autre jour. (...)
de Silismondi, d'augmenter la consommation, ce qui occupera un plus grand nombre d'ouvriers et ajoutera à la richesse publique en créant de nouveaux revenus. [...] Ce sont les machines qui ont permis de donner aux femmes dutravailproportionné à leur force, qui les a fait sortir de cette éternelle minorité à laquelle les anciennes lois organisatrices de l'industrie les avaient condamnées. (...)
[...] Dans les cités, qui doivent leur prospérité aux machines et à l'industrie, elles sont employées à untravailqui n'a rien de dégradant, et où elles peuvent faire usage de la délicatesse de leurs organes, de l'habileté de leurs doigts, du tact exquis dont elles sont douées. (...)
Car après avoir fait servir les machines à économiser la force de l'homme, on s'est autorisé de la permanente activité de l'instrument pour exiger autant de service du bras qui le dirige, de l'oeil qui le surveille - ce que l'on a retiré de la fatigue dutravail, on l'a reporté sur la durée. Les journées de dix heures ont été étendues à onze ou quelquefois treize heures et il n'est plus resté aux anciens manoeuvres élevés aux fonctions d'ouvrier qu'un temps à peine suffisant pour satisfaire des appétits bruts ; ils n'ont pas eu celui de vivre, de penser. (...)
C'est là un grave inconvénient et je suis prêt à le reconnaître avec tous ceux qui l'ont signalé, mais j'ai cherché en vain comment il était possible de le faire disparaître. On a proposé, je le sais, de régler par une loi le maximum de la durée dutravail. Au premier abord, ce remède semble suffisant et la loi d'une exécution facile, mais en admettant que cela soit comme on l'espère, je recherche les effets de la loi et je suis conduit à reconnaître qu'elle n'est point admissible parce qu'elle a pour résultat de tuer l'industrie. [...] Il est donc, vous le voyez, d'une loi pour fixer la durée dutravailcomme de celle qui interdirait l'emploi des machines ; elles sont également impossibles parce qu'elles ne peuvent être générales. Cette mesure ne peut être applicable qu'autravaildes enfants ; elle ne l'est pas à celui des hommes qui auraient le droit de dire : « En m'empêchant de travailler au-delà des heures fixées, vous me privez d'un supplément de salaire dont j'ai besoin ; vous me faites mourir de faim pour me laisser reposer. (...)
La production est antérieure à la consommation et c'est elle qui la règle, car c'est d'elle que découlent tous les moyens d'échange ; c'est elle qui donne dutravail, qui occupe les bras de l'ouvrier, les connaissances du savant, le savoir de l'ingénieur et qui leur donne une rémunération en échange de leurs services. (...)
Heureusement que si les machines l'ont causé, elles peuvent aussi le faire disparaître. Si elles ont d'abord concentré les moyens detravaildans un petit nombre de mains, elles ont successivement accru ce nombre, de sorte que les coalitions entre les maîtres, si faciles autrefois et que les lois réprimaient si mollement, sont devenues presque impossibles. (...)
L'association des travailleurs telle qu'elle a été comprise à Exil a été un moyen d'arracher les ouvriers au joug du capitaliste et l'un et l'autre se sont beaucoup mieux entendu depuis que la loi a reconnu l'égalité entre eux, qu'elle a cessé de protéger l'un pour l'autre ; c'est à dire depuis que l'édit concernant les coalitions d'ouvriers a été rapporté et qu'ils sont devenus libres de stipuler eux-mêmes les conditions de leur concours autravailcommun, qu'ils ont pu le refuser ou en augmenter le prix sans craindre la prison et l'amende. (...)