Un cours d'économie industrielle
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Avant que d'étudier les modèles propres à la belle cité d'Exil, il n'est pas inintéressant de se replonger dans les principes fondamentaux de l'économie industrielle et d'en ressaisir ainsi toutes les subtilités. Le professeur Orthonase Blanqui Aîné, maître de conférence à l'école des arts et métiers d'Oorens, a accepté de nous communiquer la transcription des cours qu'il donna, l'an passé, à ses classes supérieures. Bien que fortement marqué par le caractère d'un homme qui se veut pragmatique ...Contient : industrie (35)(...) Ainsi, par exemple, la grandeur et la prospérité d'un pays ne s'accroissait autrefois, suivant certains écrivains, que par la guerre et la destruction ; d'un autre côté, la terre seule était regardée comme une source de richesse. Tout le reste - commerce,industrie- était stérile. Les ouvriers des fabriques, les négociants et les marchands des villes ne servaient qu'à remplacer sans aucun profit ce qu'ils avaient consommés en salaires, en denrées, en marchandises, etc. (...)
[...] Les travaux des économistes de Sostrie ont eu pour résultat de démontrer combien cette opinion était fausse ; ils ont fait le compte des profits que l'industrieet le commerce avaient procuré à Exil et de ce que nous avions perdu à ne pas suivre la même voie. (...)
Partout ce ne sont que sociétés et actionnaires ; ici pour des routes ou des canaux ; ailleurs pour des usines, là pour des chemins de fer ou des bateaux à vapeur ; d'un autre côté encore pour des mines, des hauts fourneaux, etc.. Par suite de ce changement, l'agriculture (autrefois réputée la première, la seuleindustrieproductive) perd chaque jour de son importance, malgré les progrès qu'elle a dû faire en ces terres incultes. (...)
Lorsque la proportion des capitaux inactifs est plus grande que celle des ouvriers oisifs, les salaires augmentent, parce qu'il y a demande de travail ; si, au contraire, ce sont les travailleurs qui s'offrent plus qu'ils ne sont demandés, ce sont les salaires qui sont réduits. Plus les capitaux sont abondants et plus l'industriese perfectionne, plus les travaux se divisent en un plus grand nombre de mains. [...] Si les capitaux, ou plutôt ceux qui les possèdent, avaient toujours assez d'esprit pour aller féconder les industries qui végètent faute de cet aliment indispensable à toutes les entreprises, le pays n'aurait plus bientôt de malheureux en son sein et chacun jouirait du bien-être et de l'aisance que lui aurait procurés son travail. (...)
Et, une fois établi, on l'a conservé sans modifications, même après que les circonstances auxquelles il était dû avaient cessé d'exister. C'est alors que l'impôt est nuisible et qu'il porte un coup funeste à l'agriculture, à l'industrieet au commerce. Il se trouve des économistes qui ont soutenu en thèse absolue que l'impôt était une excellente chose et que l'on ne pouvait donner de meilleur stimulant au travail. (...)
Un écrivain sostrien a même comparé l'impôt à un enfant nouveau-né dont l'existence obligeait le père de famille à redoubler d'industriepour subvenir aux frais de son éthalerion. A ce compte, nous serions tous père d'une très nombreuse famille et, en poussant cet argument jusqu'à ses conséquences extrêmes, on trouverait que le meilleur moyen de nous enrichir serait de prendre tout ce que nous avons. (...)
Pour appuyer son système, l'auteur donne en exemple son pays, la Sostrie, où les impôts sont plus élevés plus que partout ailleurs et l'agriculture et l'industriesont supérieures à celles de tant d'autres pays. Tout en admettant les faits que nous cite l'économiste sostrien, j'arriverai à une opinion entièrement opposée à la sienne : je dirai que si la Sostrie a pu faire d'aussi grands progrès dans l'industrieet l'agriculture, c'est malgré les impôts et non pas à cause d'eux. J'ajouterai même que s'ils ont pu et s'ils peuvent encore payer de si lourds impôts, c'est que le travail était développé chez eux sur de larges bases et qu'il procurait de grands bénéfices. (...)
Si, au bout de dix ans, par exemple, vous retrouvez les deux frères : l'un végétera misérablement avec ses mille valeurs de rente, s'il ne les a pas même entamés et perdus ; tandis que l'autre aura fait son chemin dans l'industrieou le commerce, et qu'il y aura amassé des capitaux doubles, triples, décuples même de ceux qu'il aurait eu de sa légitime. (...)
Le rentier, c'est le propriétaire d'un capital accumulé autrefois et qui a besoin pour produire de l'industrieet du savoir faire d'un homme d'intelligence en disponibilité. Après avoir reçu 10 et 15 p. (...)
Si le tailleur se mêlait de faire ses meubles et l'ébéniste ses habits, l'un et l'autre perdraient beaucoup de leur temps à faire des objets fort peu présentables ; mais si, au contraire, chacun d'eux s'ingénie dans son propre métier, il acquerra bientôt le secret d'un très grand nombre de perfectionnements qui le mettront à même d'échanger avec avantage ses produits avec son voisin, qui, à son tour, aura acquis une grande habileté dans sa spécialité. En travaillant exclusivement à sonindustriepropre, chacun des deux industriels fera, non-seulement mieux et plus vite, mais encore meilleur marché ; de là possibilité pour lui de répéter plus souvent ses profits et d'agrandir le cercle de ses consommations par des échanges plus fréquents. (...)
[...] Les méditations de Zelphaze de Beuvin nous permettent d'établir les classifications suivantes dans la division du travail : Division du travail entre les diverses opérations d'une mêmeindustrie— Division du travail dans la société pour les différentes industries — Division du travail pour la spécialité des nations — Division du travail entre les circonscriptions d'une même nation. (...)
Voyons jusqu'où peut aller leur influence. On a dit que l'exercice continuel d'une seule et même opération dans la mêmeindustrieavait pour résultat immédiat et infaillible d'abrutir l'homme qui s'y livrait. En effet, s'est-on demandé, quel développement l'intelligence peut-elle acquérir si le même ouvrier n'a, pendant plusieurs années, que le temps de faire des clous ou d'émoudre des têtes d'épingles ? (...)
Je n'en citerai pour preuve que les ouvriers d'Exil exerçant des centaines d'industries différentes et produisant des milliers de millions de produits avec des machines simples. Cette brillanteindustrieexiléenne est le résultat de la division du travail. Et pourtant elle n'a pas d'égale sur Forge, parce qu'il y a là-bas une atmosphère d'intelligence, d'enthousiasme et d'émulation que les ouvriers n'ont point ailleurs et qui abandonnerait les Exiléens s'ils voulaient travailler isolés ou s'ils s'en allaient sur le continent. (...)
de Silismondi, dont le caractère mérite d'être vénéré, a jeté un éloquent cri d'alarme et s'est mis à attaquer de Beuvin corps à corps. Zelphaze de Beuvin avait dit aux gouvernements : quand vous ne gênerez pas l'industrie, elle se dirigera toute seule vers les travaux les plus profitables, adoptant en cela le langage des économistes qui avaient proclamé le laissez-faire, laissez-passer. (...)
Oui, vous avez augmenté la production mais vous avez oublié que ce n'est pas assez de produire et qu'il faut encore écouler et consommer, et vous voilà aux prises avec les encombrements et les crises commerciales qui vous apportent la disette au sein de l'abondance, qui font de l'industrieun champ de bataille et de l'humanité la litière de quelques privilégiés. — Voici d'ailleurs comment M. (...)
de Silismondi a reconnu qu'il fallait entraver par des lois et la concurrence et le mariage. Mais, encore une fois, que deviennent alors la liberté individuelle et la liberté de l'industrie, si nous sommes obligé de refaire ce que nos pères ont défait. Les théories de Carousse. Il faut entendre par « principe de population » la capacité qu'ont les hommes de peupler un pays, le pouvoir qu'a une population de croître. (...)
L'école sostrienne et Carousse en tête, s'occupe fort peu des maux qu'entraîne avec lui le développement de l'industrie. Les victimes lui importent peu pourvu que les manufactures produisent car avec elles, le char de l'industrieva si vite, qu'il est impossible de voir ceux qu'il écrase dans sa course rapide. L'école de Talbes ne fait pas si bon marché des hommes et, pour elle, l'égalité n'est pas un vain mot. (...)
Mais tout en reconnaissant qu'il a montré dans la lutte une force et une vigueur remarquable, il faut aussi avouer qu'il est sorti lui-même des limites du vrai. Car si le développement de l'industriea occasionné quelques maux, que de biens n'en est-il pas résulté ? Sans les machines, sans la division du travail, les ouvriers d'aujourd'hui auraient-ils le linge que n'avaient pas nos pères ! (...)
[...] Ce argument le reporte tout naturellement à réclamer ces mêmes lois qui, en mettant des bornes à la division du travail et au développement de l'industrie, prohibaient l'intelligence et forçaient un pauvre diable à faire un apprentissage indéfini, pour arriver à l'état de maître à l'âge de trente-cinq ans. Le remède n'est pas là, à mon avis : la liberté d'industriea été proclamée mais on a maintenu les douanes. C'est-à-dire qu'on nous a donné la faculté de produire sans nous donner celle d'écouler nos produits. (...)
Nous devons examiner maintenant quelles ont été les conséquences de l'emploi de ces nouveaux instruments de production sur l'industrieet le bien-être des travailleurs. Comme tout ce qui est conçu par l'esprit des hommes, les machines ont eu des avantages et des inconvénients. (...)
En même temps qu'elle enlevaient le travail à quelques individus, elle l'offraient à d'autres ; elles créaient des produits et en même temps des consommateurs : en un mot, elles déplaçaient des existences mais elles n'en détruisaient aucune. Si elles se fussent introduites graduellement dans l'industrie, elles eussent laissé aux individus qu'elles remplaçaient le temps de chercher une occupation ailleurs, de se créer une nouvelleindustrieet de nouveaux revenus. Mais, vous le savez, il n'en fut pas ainsi : elles sont arrivées tout à coup, à l'ouverture des Portes d'Airain, elles ont été inventées à la fois et sans qu'auparavant on en eut jamais entendu parlé. (...)
Le jour où, grâce aux travaux des ingénieurs, la machine à vapeur devint un moteur permanent et économique, l'industriese développa en Sostrie où, jusque là, la cherté des salaires avait été un obstacle qu'on n'avait pu franchir. (...)
[...] Non, Messieurs, il ne peut pas être permis d'apporter des obstacles aux développements des machines dans l'industrie, parce qu'on ne peut les empêcher partout à la fois ; rester en place quand tout le monde avance, c'est reculer - et enindustrie, reculer c'est mourir. Si nous considérons les machines sous un autre point de vue, nous verrons qu'il ne nous est pas possible de renoncer, je ne dis pas à leur emploi, mais encore à leur perfectionnement. (...)
[...] Lorsque, frappé des inconvénients qui résultent des machines, on veut placer en regard les avantages qu'elles procurent, on ne doit pas se borner à considérer les services spéciaux qu'elles rendent à l'industriequi les emploie, car celle-ci n'en ressent pas seule les heureux effets. Ainsi que cela est arrivé pour la machine à vapeur et la machine à filer, l'invention d'une machine a souvent amené ou nécessité la découverte ou le perfectionnement de beaucoup d'autres. (...)
[...] Ce sont les machines qui ont permis de donner aux femmes du travail proportionné à leur force, qui les a fait sortir de cette éternelle minorité à laquelle les anciennes lois organisatrices de l'industrieles avaient condamnées. Cette amélioration dans le sort des femmes est un signe non équivoque de civilisation. [...] Dans les cités, qui doivent leur prospérité aux machines et à l'industrie, elles sont employées à un travail qui n'a rien de dégradant, et où elles peuvent faire usage de la délicatesse de leurs organes, de l'habileté de leurs doigts, du tact exquis dont elles sont douées. (...)
Au premier abord, ce remède semble suffisant et la loi d'une exécution facile, mais en admettant que cela soit comme on l'espère, je recherche les effets de la loi et je suis conduit à reconnaître qu'elle n'est point admissible parce qu'elle a pour résultat de tuer l'industrie. [...] Il est donc, vous le voyez, d'une loi pour fixer la durée du travail comme de celle qui interdirait l'emploi des machines ; elles sont également impossibles parce qu'elles ne peuvent être générales. (...)
Avant de terminer, je veux répondre encore à un argument avec lequel M. de Silismondi combat les machines. Elles ont, dit-il, pour résultat éloigné de concentrer l'industrieentre les mains des plus riches. On fait avec de grands capitaux et peu de bras ce qui exigeait autrefois le concours d'un plus grand nombre d'ouvriers. (...)
[...] J'ajouterai encore : les villes manufacturières sont mieux bâties, mieux pavées, mieux éclairées que celles qui n'ont pas d'industrie, les connaissances spéciales et l'instruction y sont plus généralement répandues que partout ailleurs. Toutes les sciences, tous les arts ont participé aux progrès des machines et tous ont fourni à l'industrieleur contingent de découvertes. En manière de conclusion. « Depuis qu'à l'exemple d'Exil, chaque peuple a voulu se faire le fabricant et le boutiquier de l'univers, l'invention des machines est devenue une loi à laquelle tout le monde a été contraint d'obéir ; il n'y a de chance de succès que pour ceux qui ont travaillé sans relâche à améliorer leurs méthodes, à perfectionner leurs instruments. (...)